Série de photographies
prises à Dreux 

A 18h, au printemps, c'était à chaque fois le même spectacle ; comme un rendez-vous implicite, des retrouvailles à distance, sans un mot ni un regard échangé.
Ils tournoyaient dans les airs, d'arbres en arbres, de branches en branches. Et toujours j'observais cette envolée, ce bal mécanique, se déployant au premier coup d'aile d'un oiseau s'élançant avant les autres, et entrainant de son geste l'ensemble de la toile. Comme un corps, un seul, dont le mouvement serait actionné par le frémissement d'un membre. Plumes à l'arrêt, des cris, un bruissement, silence profond soudain, déchirement du corps, essor de la nuée. Se sculptait dans le ciel un doux retour du même, une machine aérienne. Et, incessamment, encore : bruissement, essor, repos, silence. Emerveillement. Un mythe prométhéen, à la peine légère, à la représentation sublime.

Soudain, la neige.

Pendant une semaine, les flocons n'avaient cessé de tomber. De s'entasser, se recouvrir, les uns après les autres. Du ciel aux pavés, l'atmosphère était laiteuse ; d'un blanc cassé, froid, tendant vers le beige, s'étalant comme se rejoignent le bleu de l'horizon et la mer azur.

Assise sur le ciment du balcon, je me souviens du froid glacial sous mes fesses, traversant le tissu comme une lame. Se confondaient des sensations passées vécues au même endroit. Je pensais à la tiédeur de l'été, à ce parcours doux et chaud de l'air sur ma peau, les paupières closes, comme une caresse recommencée. Dans cette blancheur devenue nacre, le froid était coupant, et mes yeux, cette fois ouverts, contemplaient un paysage qui n'était plus lui-même.

Clarté aveuglante. Branches noires et nues. Ombres sous la lumière neigeuse. Courbes éclatantes. Labyrinthe vers sa cime.

Puis, sur la neige, ailes repliées, pas hagards. Un oiseau avança et inscrivit ses pas comme un cri briserait le silence.